Auteur/autrice : Benoît

  • Seul·e contre tous en réunion ? Comment faites-vous pour ne pas vous taire ?

    Seul·e contre tous en réunion ? Comment faites-vous pour ne pas vous taire ?

    Je raconte d’abord une scène familière : en réunion, un avis s’impose rapidement. La plupart opine, quelques voix se taisent. Vous prenez la parole pour donner une autre lecture — et êtes aussitôt ramené·e sur des détails annexes : « ça ne marche pas comme ça chez nous », « tu n’as pas compris », « personne ne va suivre ». Les voix dissidentes se replient. Le débat n’a pas eu lieu. Vous repartez avec la sensation d’avoir été isolé·e, mais aussi d’avoir semé une graine : quelqu’un·e a osé. C’est précisément cette graine qu’il faut cultiver — sans forcer la vulnérabilité, sans jouer au sauveur.

    Pourquoi la sécurité psychologique ne se décrète pas


    La sécurité psychologique, telle que définie par Amy Edmondson dans Fearless Organizations, est « la croyance que chaque personne peut partager une crainte, un doute, une question ou une erreur, sans craindre de reproche, de réprimande ou d’humiliation de la part de son équipe. » Ce n’est pas un label que l’on colle sur une porte. Poser une boîte à idées, dire « ma porte est ouverte » ou organiser un atelier ponctuel ne suffit pas : ces gestes sans suite peuvent même devenir coercitifs s’ils servent de prétexte pour exiger de la parole ou de la vulnérabilité (voir aussi dans les sources plus bas). La culture d’entreprise — ses normes, ses rites, ses rétributions formelles et informelles — façonne ce qui est acceptable. Tant que la culture ne change pas, les pratiques isolées resteront cosmétiques.

    Raconter pour comprendre

    La dynamique qui ferme le débat. Dans l’exemple ci-dessus, plusieurs mécanismes se combinent : l’autorité de l’avis initial, l’absence d’espace pour articuler la divergence, la disqualification rapide par des commentaires vagues et le manque d’appui explicite de la part de collègues qui pourraient prendre la défense du point minoritaire. Ces mécanismes produisent de l’autocensure. Forcer la vulnérabilité aggrave le problème : demander à quelqu’un·e « d’être ouvert·e » sans sécurité réelle revient à l’obliger à se mettre en danger (cf. PsychSafety, «Forced Vulnerability»). On ne change pas une culture en criant « parlez » — on la transforme en modifiant les règles du jeu, petites interactions après petites interactions.

    Changer sa posture : ce que peuvent tenter les personnes qui veulent faire la différence


    Revoir sa posture n’est pas une action spectaculaire, c’est un ensemble d’habitudes relationnelles concrètes. Voici quelques pistes narratives — actions modestes mais efficaces — que vous pouvez tester et adapter selon votre contexte :

    1. Normaliser les doutes par la forme, pas par l’injonction. Plutôt que « dites-moi vos problèmes », commencer les réunions en partageant soi-même un petit doute actionnable : « j’ai une réserve sur X, j’aimerais qu’on la teste ». L’exemple ouvre sans exiger.
    2. Séparer l’objet du jugement. Quand une idée est contredite par « ça ne marche pas chez nous », invitez à expliciter : « Peux-tu dire précisément quel obstacle tu vois ? » Cela force la conversation vers des faits et non des certitudes.
    3. Créer un droit de reprise pour la parole minoritaire. Après une objection, protéger la possibilité pour la personne d’expliciter sa proposition pendant 2–3 minutes sans interruption. Si la culture ne protège pas cela, demandez explicitement ce temps — et nommez-le.
    4. Développer la compétence du feedback. Enseigner et pratiquer des cadres simples : observation → effet → demande (ex. « J’ai observé X, ça provoque Y, pourrais-tu… ? »). La qualité du feedback est un levier direct de performance (voir PsychSafety, «Feedback in the Workplace»).
    5. Prévoir des petits pas. Autoriser les contributions anonymes ou en binôme pour ceux et celles qui hésitent, puis offrir des opportunités de parole graduelles. Le consentement progressif réduit l’agression ressentie par la « mise à nu » forcée.

    Ce que la collectivité (et les leaders) peut faire


    La responsabilité n’est pas que individuelle. Les leaders, les managers et les collectifs doivent rendre visible le changement de règles : valoriser publiquement les prises de parole minoritaires, analyser les décisions non pas comme des preuves d’erreur personnelle mais comme des opportunités d’apprentissage, et intégrer la sécurité psychologique dans les rituels — revues de projet, rétrospectives, recrutements, évaluations. La transformation culturelle implique d’aligner incitations et comportements : si l’entreprise récompense uniquement l’uniformité, la parole restera rare.

    Intégrer JEDI et l’anonymisation


    Penser la sécurité psychologique sans JEDI, c’est rater la moitié du chantier. Justice, Équité, Diversité et Inclusion impliquent de reconnaître que certaines voix sont structurellement désavantagées. Anonymisez les témoignages, questionnez les biais (qui parle, qui est écouté·e), et adaptez les formats pour inclure des modalités de parole variées. Invitez à des retours sur ce que vous mettez en place et ajustez-les: la co-conception des règles renforce l’adhésion.

    Oser encore et autrement


    Selon Amy Edmondson : « plus on parle, plus on a l’habitude de parler de sujets difficiles. Il faut donc faire ce premier pas d’oser parler. » Mais ce premier pas n’est jamais unilatéral : il s’inscrit dans un paysage culturel. Ne confondez pas posture et transformation. Changez votre posture, proposez des règles, entraînez-vous au feedback, protégez les voix minoritaires, et souvenez-vous que la vulnérabilité ne se décrète pas — elle se mérite, se cultive et se protège.

    Si cette lecture résonne en vous et que vous souhaitez faire le point sur votre carrière, je vous propose un rdv gratuit de 30 minutes et sans engagement pour initier si vous le souhaitez un accompagnement en coaching professionnel.

    Sources et références : Amy Edmondson, Fearless Organizations ; Raconteur, “Forcing staff to speak up won’t fix your workplace culture” ; PsychSafety (articles «Forced Vulnerability» et «Feedback in the Workplace»).

  • La vulnérabilité, pilier du leadership : quand dire « je ne sais pas » devient acte stratégique

    La vulnérabilité, pilier du leadership : quand dire « je ne sais pas » devient acte stratégique

    Être authentique au travail c’est être vulnérable. Prêt·es à ne plus porter de masque ?

    Pourquoi la vulnérabilité est un pilier du leadership ?

    Dire « je ne sais pas » n’est pas un aveu d’impuissance : c’est une invitation à la coopération. Dans un environnement incertain (VUCA — volatile, incertain, complexe, ambigu), les équipes qui apprennent plus vite et qui prennent des initiatives ensemble sont celles qui réussissent. La vulnérabilité du leader joue un rôle clef dans la construction de cette capacité collective.

    La notion clé qui rend cette démarche opérationnelle est la sécurité psychologique : selon Amy Edmondson, « la sécurité psychologique est la conviction partagée que l’équipe est un lieu sûr pour prendre des risques interpersonnels ». Quand un·e dirigeant·e montre sa propre vulnérabilité, il ou elle envoie un signal fort : prendre un risque social (poser une question difficile, admettre une erreur, tirer la corde d’Andon que nous verrons plus bas) est acceptable — et même attendu.

    Trois piliers du leadership soutiennent ce modèle selon Urs Koening :

    • Humilité : reconnaître qu’on a encore beaucoup à apprendre.
    • Vulnérabilité : oser exprimer ses doutes et ses émotions sans que cela soit confondu avec une incapacité. (« Être vulnérable ce n’est pas s’effondrer en pleurs mais oser dire « je ne sais pas, aidez-moi ». »)
    • Authenticité : agir en cohérence avec ses valeurs et ses engagements, pas en conformité avec une image attendue.

    Le cas de FAVI (dont le directeur était Jean-François Zobrist) illustre le geste fondateur. En posant son ignorance comme point de départ, Zobrist a proposé de co-construire l’organisation avec les équipes : démantèlement de symboles hiérarchiques, responsabilisation des mini-unités, autonomie au plus près du client.

    Résultat : réactivité accrue, qualité améliorée et engagement renforcé. L’aveu d’ignorance du leader s’est révélé un acte politique — une invitation à l’initiative collective.

    Comment incarner la vulnérabilité ?

    Raconter est plus puissant que prescrire. Voici un récit-scène, suivi d’un protocole précis pour reproduire l’effet dans vos équipes.

    L’atelier de la pièce de monnaie

    Dans une salle sobre, chaque participant·e reçoit une pièce de monnaie — une pièce ordinaire, pas un objet symbolique coûteux. On annonce : « Parlez de l’année inscrite sur votre pièce et dites pourquoi elle compte pour vous. »

    Le ou la plus senior commence. Iel ne lance pas une conférence; iel partage : « L’année sur ma pièce, c’est l’année où j’ai dû apprendre à déléguer. J’ai raté des conversations. J’ai peur encore parfois. Je ne sais pas toujours quoi faire et j’en ai besoin de votre aide. » Silence. Puis un·e après l’autre, des petits récits, des hésitations, des sourires de reconnaissance : la parole qui s’autorise à être imparfaite devient contagieuse.

    Ce que fait la pièce : elle réduit l’intimidation rituelle (la parole n’est pas un discours préparé), elle égalise (tou·te·s ont le même objet), et elle crée un cadre ludique mais sérieux pour exposer une faiblesse devenue ressource.

    De la pratique à la transformation durable

    Déclarer la vulnérabilité une fois ne suffit pas. Il faut l’inscrire dans des rituels, des réponses concrètes et des garde-fous JEDI.

    Les pièges sont fréquents et il faut savoir les éviter :

    • Performativité : dire « je suis vulnérable » sans changement réel. Il faut alors demander et publier des engagements concrets (ce que le leader fera différemment) et des preuves de suivi.
    • Remerciements sans suite : si quelqu’un prend le risque d’alerter (comme tirer la corde d’Andon) et n’est pas soutenu, il ou elle arrêtera. On trouvera alors des protocoles de réponse rapides et de feedback visible sur les actions prises.
    • Trop d’implication managériale dans la production : le micro-management étouffe l’initiative. Ainsi, clarifiez les rôles (leader = support stratégique, équipe = décisions opérationnelles).

    La corde d’Andon — un protocole simple

    Issue du Toyota Production System, la corde d’Andon illustre la vulnérabilité mise en pratique : toute personne peut arrêter son travail pour signaler un problème. Quand la «corde» est tirée :

    1. Remercier la personne qui alerte (reconnaître le risque interpersonnel).
    2. Se réunir immédiatement pour comprendre la situation sans blâme.
    3. Résoudre le problème dans l’immédiat si possible ; si non, arrêter et escalader collectivement pour trouver la solution.

    Ce protocole transforme le risque individuel en une ressource collective quand il est soutenu par une culture qui valorise l’initiative.

    Pour initier votre chemin

    La vulnérabilité n’est pas une posture privée ou une faiblesse à cacher : c’est un levier stratégique pour rendre les organisations plus résilientes, plus justes et plus humaines.

    Dire « je ne sais pas » devient alors un acte politique et professionnel — une manière de partager la responsabilité et d’inviter les talents à prendre part à la solution. Oser ce pas, c’est construire une organisation où l’initiative circule, où la sécurité psychologique est réelle, et où la performance durable devient possible.

    Si ce sujet résonne en vous, je vous invite à en parler concrètement : prenez un RDV gratuit de 30 minutes, sans engagement, pour discuter d’un atelier pilote adapté à votre équipe et poser la première pierre d’une transformation durable.

  • L’autonomie au travail : libérer la créativité et la confiance

    L’autonomie au travail : libérer la créativité et la confiance

    Et vous, comment allez-vous rendre autonome vos équipes ou vos collègues ?

    Pourquoi l’autonomie est essentielle

    Dans le monde professionnel actuel, l’autonomie au travail n’est plus un simple atout : elle est une condition nécessaire à l’innovation, à la motivation et à la sécurité psychologique des équipes. Trop souvent, managers et dirigeants confondent auto-organisation et auto-gestion, pensant que déléguer un objectif suffit à créer de l’autonomie. Pourtant, cette distinction est fondamentale.

    Comme le souligne Johann Chapoutot dans Libres d’Obéir, l’auto-organisation consiste simplement à fixer un objectif et à demander au groupe de l’atteindre coûte que coûte. Cela déplace la responsabilité : la réussite ou l’échec dépend désormais du groupe et non du commanditaire. Cette forme d’autonomie superficielle peut engendrer de la pression, un stress accru et des comportements toxiques, car les membres cherchent à atteindre l’objectif à tout prix, parfois en enfreignant la morale.

    À l’inverse, l’autonomie réelle repose sur un équilibre subtil entre confiance, cadre clair et sécurité psychologique. Cette dernière se définit comme la croyance de ne pas être puni si l’on exprime un doute, une crainte ou une erreur lors d’un échange interpersonnel. Sans cette sécurité, les individus hésitent à partager leurs idées, à prendre des initiatives ou à expérimenter de nouvelles approches. La sécurité psychologique est donc le socle sur lequel l’autonomie peut véritablement s’exprimer.

    Enfin, l’autonomie implique la possibilité d’échouer. Amy Edmondson, dans The Right Kind of Wrong, distingue plusieurs types d’échecs : ceux évitables, ceux complexes liés à des événements anodins aux conséquences négatives, et ceux dits « intelligents », qui mènent à de nouvelles découvertes et à l’innovation. Permettre aux équipes d’échouer sans réprimande est donc une condition sine qua non pour que l’autonomie génère de la créativité et de la valeur ajoutée.

    Les conditions de l’autonomie

    Mais attention, autonomie ne veut pas dire abandon : elle demande un cadre clair et une culture de confiance. Pour qu’une équipe ou un·e collaborateur·rice soit autonome, plusieurs conditions doivent être réunies.

    L’autonomie ne signifie pas l’absence de règles ou de structure. Au contraire, un cadre précis permet de canaliser l’énergie et les initiatives. Les objectifs doivent être compris et co-construit par tous, la manière d’y parvenir est ensuite laissée à l’initiative des individus.

    Accorder la confiance aux équipes ne suffit pas. Les manager·es doivent adopter une posture basse, qui consiste à accompagner plutôt qu’à contrôler, à poser des questions plutôt qu’à imposer des solutions. Cette posture favorise l’initiative, stimule la créativité et encourage la collaboration horizontale. Elle transforme l’espace de travail en un lieu où chacun·e peut proposer, tester et apprendre.

    Être autonome nécessite un environnement où il est possible de se tromper sans crainte de réprimande. La sécurité psychologique est ici centrale : elle permet à chacun·e d’être authentique et vulnérable, de partager ses idées même si elles semblent risquées ou inhabituelles. Cela crée un climat où l’innovation devient naturelle et où l’apprentissage collectif se développe.

    L’autonomie est renforcée lorsque les initiatives sont visibles et valorisées. Il ne s’agit pas seulement de tolérer l’erreur, mais de célébrer les apprentissages issus de l’expérimentation. Ce retour positif nourrit la confiance mutuelle et incite à poursuivre l’exploration de nouvelles idées.

    Exemple et leçons pratiques

    Un exemple emblématique de l’autonomie fructueuse est l’invention des Post-it. Les équipes de recherche souhaitaient créer une colle ultra forte. Une erreur de formulation donna une colle peu collante, qui semblait inutile. Plutôt que de rejeter cette découverte, les équipes eurent l’idée de l’appliquer sur des petits morceaux de papier repositionnables, donnant naissance aux célèbres Post-it. Cette innovation est directement liée à la liberté de tester, d’expérimenter et de transformer une erreur en opportunité.

    L’autonomie favorise l’innovation : lorsque les individus sont libres de tester et de proposer, des découvertes inattendues émergent.

    Comment rendre vos équipes autonomes ?

    • Construisez ensemble les objectifs et laissez la latitude sur les moyens.
    • Créez un climat de sécurité psychologique en adoptant une posture basse et en valorisant les initiatives.
    • Autorisez l’échec intelligent comme source d’apprentissage et d’innovation.
    • Encouragez la vulnérabilité et l’authenticité pour renforcer la sécurité psychologique.
    • Célébrez les succès et apprentissages collectifs pour renforcer la culture de l’autonomie.

    Favoriser l’autonomie, c’est permettre à chacun·e d’innover, d’apprendre de ses erreurs et de contribuer pleinement à la réussite collective.

    Si cela résonne en vous et que vous voudriez faire le point sur votre carrière, prenons un rdv de 30 minutes pour en parler.

  • À quel point acceptez vous les valeurs d’autrui ?

    À quel point acceptez vous les valeurs d’autrui ?

    Le mépris comme seule réponse à notre inconfort

    C’est souvent lors des moments intenses où on doit prendre des décisions, reconnaître le travail accompli ou restant, que nous mesurons à quel point nos valeurs sont alignées avec celles de nos collègues. C’est d’autant plus vrai lorsqu’on certaines personnes étrangères à l’équipe interviennent. Si l’équipe a instauré un climat de sécurité psychologique, il peut y avoir un effet protecteur ou de rejet face à cette personne externe qui ne partage pas entièrement ces valeurs.

    On se retrouve devant un dilemme vieux comme le monde : doit-on tolérer les propos de cette personne sans rien dire ou bien tenter de discuter avec elle ? Évidemment, si vous lisez les articles de ce site, vous pensez que la seconde solution est la meilleure, voire la seule acceptable. Un échange constructif, basé sur les requêtes humbles d’Edgar et Peter Schein, semble la réponse adéquate. Lorsque toute une équipe partage ce genre de pratiques et sait à quel point elle est capable de s’exprimer, ces discussions peuvent avoir une portée positive et profonde.

    Cependant, j’aime à rappeler que la sécurité psychologique est le sentiment que nous ressentons vis-à-vis des personnes qui nous entourent. C’est un sentiment différent de la confiance.

    • Je vous fais confiance, je vous donne ma confiance.
    • Je me sens en sécurité avec vous, je reçois votre bienveillance.

    Du mal à digérer la critique ?

    Revenons à notre situation : une personne externe à l’équipe partage son point de vue, incarnant d’autres valeurs que celles de l’équipe. Ces valeurs sont peut-être même contraires entre elles. En tant qu’équipe à l’écoute, nous amorçons une discussion ouverte comme énoncé plus haut. Dans la plupart des cas que j’ai pu rencontrer, cette situation est incongrue pour la personne externe. Peu habituée à échanger de la sorte, surtout par ces techniques, elle se sent souvent prise au piège, défiée. Elle pensait donner son avis, voici ce dernier challengé.

    C’est ici que ce joue le point de bascule. Cette personne étrangère à l’équipe ne porte plus la même attention à l’équipe. Elle pense avant tout à ses propres besoins. L’intérêt, la considération, le soin du dialogue est tourné vers elle maintenant. Vous connaissez l’antonyme de ces mots : attention, intérêt, considération et soin ? C’est le mépris.

    Face à l’incapacité à affronter un dialogue critique, le mépris devient l’arme réflexe. Seulement, dans une équipe qui prône l’écoute et tente de cultiver un environnement sûr, comment sera perçu ce mépris ? Il vient contredire , bafouer les valeurs de cette équipe et par réflexe à son tour, chaque membre viendra défendre ses convictions. Nous venons de briser notre cercle vertueux.

    Comment réagir sainement ?

    Le mépris cache souvent autre chose – liée à l’incompétence. Ici l’incompétence est à prendre dans tous les sens possibles :

    • incompétence à comprendre le sujet, faute de données
    • incompétence à entendre un discours différent, faute d’habitude
    • incompétence à se remettre en question, faute de leadership
    • incompétence à accepter la critique, faute d’égo
    • incompétence à s’exprimer, faute de compréhension du sujet
    • incompétence à comprendre l’autre, faute d’empathie

    Nous pouvons dans une équipe aider cette personne dans toutes ces situations. Il faut simplement lui proposer d’aborder ces sujets, de clarifier certaines zones d’ombre, d’accepter de ne pas toujours tout savoir ni savoir faire, …

    Ainsi, face à une contradiction entre valeurs, une des réponses possibles serait de rappeler en quoi l’équipe croit, pourquoi ses valeurs sont importantes, comment au quotidien elle les incarne.

    Ensuite, on accepte que cette personne en possède d’autres évidemment. Mais nous venons de délimiter deux zones : nos valeurs et les siennes. Virtuellement, nous sommes d’accord sur ce qui nous lie et ce qui nous sépare. Nous pouvons peut-être commencer à construire un pont pour diminuer nos divergences d’opinions.

    C’est un exercice très difficile, car instinctivement, nous pouvons avoir envie de défier à notre tour cette personne, lui dire ses quatre vérités, … À nouveau, j’adopte une démarche stoïque :

    • suis-je touché personnellement par les propos de cette personne ?
    • une autre personne serait-elle touchée (et ne s’exprime pas pour le moment) ?
    • serait-il correct que je m’exprime maintenant (en mon nom ou en celui de cette autre personne touchée) ?
    • est-ce que je donne mon avis fermement ou bien suis-je en train de proposer une discussion ?
    • quelle que soit l’issue de cette discussion, sera-t’elle toujours importante pour moi dans 3 mois ?
    • mon propos peut-il à son tour toucher quelqu’un ?
    • ma réponse est-elle proportionnée par rapport au sujet ?
    • quel ton vais-je utiliser pour m’exprimer ?
    • quel est le but de mon intervention ?

    À vous de juger ensuite si cela vaut la peine d’entamer un débat. Toute discussion est saine. Par contre, l’effort à fournir peut être plus ou moins coûteux. Une simple phrase peut diminuer la tension crée :

    « J’entends ta remarque et en même temps elle vient contrarier nos valeurs sur [ajoutez vos valeurs ici]. Si tu le veux bien, comment pourrais-tu reformuler ton propos afin d’échanger plus sereinement ? »

    Si la personne ne veut pas se prêter à l’exercice ou reste sur ses positions, je conseille de clore ici la conversation et de la reprendre – si cela est nécessaire – plus tard, avec uniquement les personnes intéressées par l’échange. Il est possible de demander en cas de tension, l’intervention d’une tierce personne médiatrice.

    En conclusion

    Sans tomber dans l’acceptation inconditionnelle, j’estime qu’il est important de défendre les valeurs qui nous tiennent à cœur. Nous devons nous assurer des intentions d’autrui, laisser une oreille attentive pour comprendre cette personne, ouvrir explicitement une discussion. Cependant, nous devons rester digne et honnête envers nous même : ne pas tout accepter si en face la personne n’est pas dans cette dynamique. Si je respecte l’autre, je me respecte aussi. Je respecte mes besoins et je m’écoute – autant que je respecte les besoins d’autrui et que je tente d’être en empathie. Dans le cas contraire, il est sain de montrer l’exemple tout en restant intègre : terminer abruptement une discussion, ne pas bafouer ses croyances, affirmer une posture ne devrait pas être perçu comme une attaque, mais comme un indice de notre capacité à collaborer.

  • 改革 (kaikaku), le changement radical

    改革 (kaikaku), le changement radical

    À quel point défendez-vous les valeurs qui vous sont chères ? Surtout, quelles sont vos limites, votre seuil de tolérance face à une personne qui ne les incarne pas. Pire, qui les rejette ?

    C’est une question cruciale lorsqu’on aborde le domaine de la sécurité psychologique car elle met en lumière notre capacité à accepter une situation qui ne nous convient pas ; évidemment sans en partager ouvertement les désagréments. Or, un environnement psychologiquement sûr devrait nous permettre d’aborder cette thématique sans crainte.

    J’ai toujours pratiqué des arts martiaux, sans rechercher à passer des grades. Être ceinture noire ne m’a jamais intéressé, préférant apprendre, améliorer ma technique, ma lecture de l’adversaire, plutôt que de gagner des récompenses. Un jour, on m’a proposé tout de même de passer la première dan, histoire d’acter ma progression et de valoriser ma technique. Pour cela, quelques stages de préparation étaient nécessaires avant de passer l’examen. C’est justement un de ces stages qui m’a permis d’appliquer le fameux changement brutal, le kaikaku (改革).

    Je vous passe les détails de la préparation : lors de ma future démonstration, il m’est demandé de réaliser un mouvement assez complexe que je ne suis pas capable physiologiquement de faire. Je l’explique au professeur et tente de convenir avec lui d’une technique alternative pour tout de même continuer ma démonstration. Sa réponse m’a fait froid dans le dos : « même le métal finit par se plier quand il est chauffé. Si tu ne sais pas faire ce mouvement, j’aurai honte de te présenter au Grand Maître ».

    Pour recontextualiser, je pratique pour mon plaisir, pour apprendre et entretenir ma discipline interne. Remettre tout mon engagement sur ce mouvement m’a paru tellement injuste, qu’il mit en avant l’insécurité psychologique de notre groupe. Pire, les autres stagiaires ont commencé à m’expliquer de manière paternaliste certaines techniques ou concepts.

    C’en était trop, cela remettait trop de valeurs personnelles en jeu (l’écoute, le plaisir d’apprendre, la convivialité, l’intégrité, l’exemplarité, …). Malgré toutes ces années d’apprentissages dans cet art, je décidai de quitter le stage, le passage de grade, le cours hebdomadaire.

    Voilà ce que peux provoquer un changement radical : réorienter ses efforts brutalement pour innover différemment. Quitter un groupe est une lourde décision à prendre, parfois impossible. La suite de mon analyse s’applique aussi bien aux personnes qui souhaitent continuer à travailler dans leur équipe, qu’à celles qui préfèrent rebondir où l’herbe est plus verte.

    Pour l’histoire, j’ai toujours continué à pratiquer, mais sur d’autres tatamis et avec d’autres professeurs. Cependant, à l’époque, je n’avais pas pris le temps d’expliquer mes raisons. Une erreur car je laissais derrière moi aucun moyen au groupe de modifier ses comportements toxiques.

    Depuis, j’applique régulièrement une sorte de filtre aux situations que je rencontre :

    1. Quelles sont les valeurs que je défends en ce moment ?
    2. L’environnement dans lequel j’évolue me permet-il de les vivre ?
    3. Les comportements des personnes autour de moi perturbent-ils mes valeurs ?
    4. En quoi ai-je ma part de responsabilité à cela ?
    5. Quel est mon champ d’action pour que la situation évolue positivement ?

    Je vous laisse répondre aux questions 1, 2 et 3. Pour la quatrième, si je suis en partie ou entièrement responsable du malaise ressenti, j’applique les six étapes de Kim Scott dans son livre Radical Respect :

    1. On explore entièrement la situation qui a posé problème.
    2. On reconnaît son erreur publiquement.
    3. On en accepte les conséquences.
    4. On partage notre volonté de changer et vers quoi.
    5. On s’excuse.
    6. On change pour de bon.

    Pour la cinquième question, c’est ici que se joue le véritable dénouement. J’adopte une approche stoïque radicale issue de la thérapie d’acceptation et d’engagement.

    1. Je tente de reconnaître mes comportements récurrents : une pensée qui revient souvent ou qui est vielle.
    2. J’identifie mes pensées et émotions lorsque je me comporte ainsi.
    3. Je les accepte (par exemple, prendre dix inspirations pour faire le point et réfléchir à ce qu’il se passe intérieurement).
    4. J’agis suivant mes valeurs : quelles valeurs personnelles peuvent m’aider à transformer ceci en opportunité, pour moi, pour le travail ?

    Si j’en conclus que je ne peux rien changer à la situation – et donc qu’elle finira par se répéter dans un futur proche – je décide de radicalement changer, quitte à recommencer de zéro dans un nouvel environnement.

    Qu’on quitte ou non cet environnement toxique, il est nécessaire de partager nos raisons et nos ressentis :

    • Factuellement, ce qui ne nous convient plus.
    • L’état émotionnel que cela engendre chez nous.
    • La manière dont on aurait voulu que les choses se passent.
    • Le nouveau comportement qu’on aimerait initier dans notre groupe.

    Cela fait entièrement écho aux techniques de communication non violente de Marshall B. Rosenberg, vous les aviez identifiées je suis certain.

    Et vous, comment exprimez-vous vos désaccords pour initier de vrais changements dans votre groupe de travail ?

  • Transmettre pour être autonome

    Transmettre pour être autonome

    D’où provient notre connaissance ?

    C’est une question qu’on se pose souvent – ou au moins une fois – dans sa vie : qu’ai je réellement appris ? Cette question est à double sens : qu’est-ce que je transmets à autrui ? Pourquoi est-ce important pour moi ? On peut répondre facilement à ces deux questions dans notre sphère personnelle, familiale ou amicale. Toutes les cultures dans le monde se transmettent à l’oral depuis la nuit des temps. Toutes ? Que dire de la culture de votre entreprise ?

    Je me suis souvent demandé en quoi je participais malgré moi à la culture d’entreprise. Mes échanges et mes partages arrivent je pense en première place. Mais, si je suis le seul à le faire, comment ma parole enrichit vraiment l’entreprise ? Je pourrais peut-être pratiquer une sorte de censure, de limitation voire de réécriture selon mes propres opinions.

    Et puis comme toujours, l’actualité nous rattrape. Fin Février 2025, Amazon change sa politique en matière de bibliothèque numérique. Dorénavant, l’entreprise américaine ne permet plus de télécharger des ebooks directement sur sa liseuse. Cela semble anodin, mais ça signifie que la seule source légitime de connaissances pour les utilisateur·ice·s de Kindle devient la bibliothèque numérique du géant américain. Sans voir le mal partout, on pourrait imaginer une sélection approuvée de livres, une limitation liée aux auteur·ice·s politiquement correct·e·s, voire une censure sur des sujets de société. Nous venons de perdre notre autonomie d’apprentissage et de divertissement.

    Devenir une bibliothèque vivante

    Avant de se transformer en tradition orale, nos histoires, contes ou expériences, sont simplement des discussions. C’est au fil de nos récits, de nos échanges que se tisse quelque chose de plus universel – une parole à transmettre. Cependant, à part vous-même, qui connait votre formidable liste de récits ? Pourquoi ne pas commencer dès aujourd’hui à partager une expérience positive autour de vous, telle une information que vous souhaiteriez que d’autres se racontent à leur tour. Ça paraît dingue de le faire en entreprise ? Pourquoi serait-ce différent dans ce contexte ?

    La culture d’entreprise émerge du système dans lequel elle baigne. C’est par cette culture que de nouvelles pratiques voient le jour ensuite. Cela signifie que nous sommes tous acteur·ice·s du changement que nous pourrions espérer.

    « Soyons le changement que nous voulons voir dans le Monde. » ~Gandhi

    Je suis convaincu qu’en encourageant à partager nos expériences positives,  nous débloquons la parole au sein de nos équipes. En accompagnant chaque individu à s’exprimer,  nous créons notre propre récit. Nous gérons notre savoir en totale autonomie.

    Maintenir notre autonomie

    La première des choses à faire selon moi est de tenir une sorte de catalogue vivant. Pas besoin d’être extravagant ou détaillé. Nous pourrions commencer par une simple liste comportant :

    • Un sujet
    • Un·e narrateur·ice

    Simple non ? Affichons cette liste dans un lieu d’échanges informels comme une cafétéria ou une salle de pause et nous avons un début de bibliothèque vivante.

    Allons plus loin en donnant envie d’écouter notre histoire, comme une quatrième de couverture. Catherine Garrod dans son livre Conscious Inclusion nous dévoile une technique très simple pour décrire un propos tout en faisant attention au sentiment d’inclusion qu’il procure :

    • Un titre : phrase courte et simple autour du sujet que les personnes apprendront
    • La connaissance : ce que nous allons retenir (un peu plus détaillé, mais pas trop)
    • Le sentiment : que vous ressentirez une fois le récit partagé
    • Une action : que vous prendrez peut-être après ce partage

    Continuons dans notre cheminement. Nous voulons que notre récit soit partagé, au plus grand nombre pourquoi pas. Mais peut-être que vous ne voulez pas tout dévoiler. Par pudeur, par respect, certaines parties devraient rester anonymes. Comment faire dans ce cas ? Il existe la règle de Chatham house pour cela. Cette règle tacite stipule que vous avez le droit et l’autorisation de partager vos histoires à qui vous voulez, cependant,  n’en révélez pas la source. C’est une version inversée de la loi de Las Vegas (ce qui se passe à Vegas reste à Vegas). Votre bibliothèque s’étoffe de plus en plus, il reste une dernière étape.

    Le charme d’une librairie, contrairement à un site en ligne, réside dans les libraires. Ces personnes sont capables de vous orienter vers un ouvrage grâce à quelques informations sur vos centres d’intérêt. Faisons de même ! Pourquoi ne pas créer une sorte de réseau qui tisserait telle une toile d’araignée des liens entre chacune des expériences de notre liste ? Une carte mentale pourrait très bien faire l’affaire, en reliant les récits à des thématiques ou des émotions particulières.

    Nous voici en possession d’une structure organique, vivante, reliant les individus par leurs expériences positives (ou non, pourquoi pas) et libre d’être écouté par tou·te·s.

  • Le poids des mots

    Le poids des mots

    « Prudence devant les formules. Elles sont parfois comme le tonnerre : elles frappent mais n’éclairent pas. »

    ~ Albert Camus

    Lors d’une de mes conférences d’introduction à la sécurité psychologique, une participante est venue me partager en fin de session une de ses pensées : le terme « sécurité » fait peur, pourquoi ne pas le remplacer par quelque chose de plus rassurant comme « confort » ?

    Hum, le « confort psychologique » ? Je suis toujours ouvert à toutes sortes d’idées donc j’ai analysé sa remarque avec attention. Souvent, pour me forger une opinion, je la consolide avec des recherches. Ici le dictionnaire (le Larousse par exemple) semblait une bonne piste.

    Confort (n.m.) : Ensemble des commodités, des agréments qui produit le bien-être matériel ; bien-être en résultant.

    Sécurité (n.f.) : Situation dans laquelle quelqu’un, quelque chose n’est exposé à aucun danger, à aucun risque, en particulier d’agression physique, d’accidents, de vol, de détérioration.

    C’est bien l’idée première que j’en avais : le confort est une commodité, un luxe, quelque chose en plus pour améliorer, embellir ou agrémenter une situation. Le confort par sa nature est quelque chose d’optionnel.

    Par contre la sécurité semble vitale. Sans sécurité, il y a un risque d’être exposé à de futurs dégâts. Dans mes conférences, j’aborde le sujet du burn-out et la sécurité des individus est primordiale dans ces contextes – le confort est considéré dans un second temps.

    Ainsi, ces deux mots ne partagent en aucun cas la même finalité et les intervertir serait une erreur à mon sens.

    Pourquoi est-ce important ?

    Quel était le but de cette remarque ? Que craignait cette participante qui – je le voyais bien – était de bonne foi et souhaitait expérimenter les pistes que je venais de présenter ?

    Cette réponse, je l’avais depuis quelques années déjà plus ou moins découverte. L’être humain a peur de ce qu’il ne connait pas. La sécurité psychologique est encore un domaine jeune, peu connu en France, et le promouvoir peut s’apparenter à se jeter dans le vide en espérant que quelq’un ait bien accroché un parachute dans votre dos.

    Le confort adoucit, nuance et arrondit les angles de l’adjectif qui le suit. En substituant le terme « sécurité », on tente d’atténuer l’impact que le terme « psychologique » assène aux auditeur·ice·s.

    C’est l’alliance des deux qui effraie : la sécurité rimant avec le danger ; la psychologie avec la folie ou la manipulation. Dans un contexte d’insécurité psychologique serait-il possible de manipuler quelqu’un à l’extrême, jusqu’au point de non-retour ? La perspective est vertigineuse et effraie.

    Être ouvert·e d’esprit

    Ce n’est pas parce qu’un concept vous fait peur qu’il faut le renommer pour qu’il disparaisse. C’est aussi contre-productif que de l’ignorer. Au contraire il faut l’étudier pour en comprendre ses contours.

    Selon la définition d’Amy Edmonson, la sécurité psychologique vise à établir un environnement sain où chaque individu peut partager au reste du groupe ses questions, ses doutes, ses craintes, ses erreurs, sans que cela ne lui porte préjudice, blâme ou humiliation. C’est aussi simple que cela à définir.

    Nous sommes ici tou·te·s acteur·ice·s. Que nous soyons employé·e, chef·fe de projet ou d’entreprise, coach, … Chaque personne peut jouer un rôle et agir au quotidien pour une meilleure sécurité psychologique.

    Si par hasard vous ne faites pas encore partie de ces acteur·ice·s, renseignez-vous sur les actions et les intentions de ces personnes. Ce domaine subtil est difficile à comprendre au premier abord et souvent j’ai était confronté à des méprises : sur mes intentions, sur la nature de mes interventions voire sur ma posture. Une courte et franche discussion lève le voile sur cette démarche en un clin d’oeil.

    Le cercle vertueux

    C’est en diffusant au plus large public possible ses intentions et ses impacts positifs que la sécurité psychologique devient un pilier évident des discussions entre salarié·e·s. Devenant un véritable sujet, les mentalités évoluent et nos comportements se modifient. Le point de vue systémique de nos comportements influence par ricochet la culture d’entreprise. C’est tout l’enjeu de la sécurité psychologique : faire partie des préoccupations et de la culture d’une entreprise.

    Quel intérêt me demandez-vous ? Pourquoi vouloir à tout prix faire progresser la culture d’entreprise ? Parce que le monde est en perpétuel changement, que des prises de position peuvent évoluer, que des comportements ne sont plus tolérés maintenant. Dans dix ans, nous aurons le même constat par rapport à nos motivations et opinions actuelles. Il faut donc constamment se remettre en question.

    Mais vers quel but ? Si la culture change, nous espérons qu’elle évolue vers une dimension plus progressiste et non vers un rétropédalage antique. Bien que le but d’une entreprise ne soit pas la recherche du bonheur, elle doit permettre à ses salarié·e·s de s’épanouir comme iels l’entendent, sans contraintes, afin d’accomplir leurs objectifs personnels et professionnels.

    Ainsi, en commençant par choisir le bon vocabulaire, l’expliquer et l’accompagner par l’exemplarité,  nous bâtissons les fondations de la sécurité psychologique et donc de la libération de la parole.

    Les mots appellent les mots.

  • Être un·e JEDI de la sécurité psychologique

    Être un·e JEDI de la sécurité psychologique

    J’étudie, expérimente, partage et forme autour de la sécurité psychologique depuis des années. Les lectures aidant, j’ai de plus en plus eu d’intérêt aux questions sur l’inclusion, l’équité et la diversité au travail et dans notre société. J’en suis arrivé à la conviction que ces trois mots abrégés en DEI étaient incroyablement liés à la sécurité psychologique.

    Non pas que l’un est la conséquence de l’autre – je n’en ai aucune idée – mais que ces deux démarches sont complémentaires au point que l’une ne peut pas fonctionner si l’autre est défaillante.

    Ainsi, j’ai toujours eu à cœur de me préoccuper des aspects DEI lorsque je concevais des ateliers, des réunions ou des formations. Pour moi, c’est la suite logique à l’évolution des entreprises et j’ose même y voir poindre le fameuse couleur verte chère à Frédéric Laloux.

    Tout cela – dans ma vision de la société – était une évidence amplement partagé dans le monde jusqu’à ce mois de janvier 2025. Il ne vous a pas échappé qu’en ce moment le visage politique de certains pays change. Déjà fin 2024 on commençait à comprendre sans y croire qu’un virage à 180° allait survenir. Janvier 2025 donc, Meta, après McDonald’s, Jack Daniel’s, Walmart, Amazon, Ford, le FBI, met fin à sa stratégie DEI expliquant qu’il vaudrait mieux revenir à une entreprise plus masculine et moins contrainte par les quotas imposés au recrutement.

    « Une grande partie de la culture d’entreprise est devenue un peu émasculée. Il y a quelque chose de bon dans la masculinité, et une culture qui valorise l’agressivité a du mérite. »

    ~ Mark Zuckerberg (source)

    Séisme. Je passe deux jours à relire ces informations, sidéré.

    Tout cela se passe aux États-Unis d’Amérique, loin de l’Europe, nous ne ferions pas cela. Vous en êtes sûr·e ? De nombreuses réactions sur les réseaux sociaux furent de boycotter ces marques. D’autres ont préféré continuer à utiliser leurs services pour « combattre de l’intérieur ». Je ne sais pas quelle est la bonne solution, ni si une bonne solution existe. Je me dis que je n’arriverais pas à échanger ni discuter comme je l’entends avec seulement 144 caractères ou en m’adressant à des anonymes. Pour moi, ma solution – et elle m’appartient – est de continuer à agir et promouvoir mes convictions localement et directement en face à face. C’est ainsi que j’ai décidé de partager cette année une nouvelle conférence autour des pratiques en sécurité psychologique pour accompagner les stratégies DEI.

    La véritable question est celle-ci : comment aller plus loin, dépasser ce concept de DEI pour qu’il devienne évident et pérenne ?

    C’est au détour d’une conférence de Julie Savaria que la réponse devenait limpide. La DEI n’est rien s’il n’y a pas en place une politique de justice.

    Justice pour protéger

    Équité pour équilibrer

    Diversité pour représenter

    Inclusion pour rassembler

    Comment protéger cette démarche, repousser plus loin les barrières, aller au-delà de simples mots si nous n’avons pas l’assurance de pouvoir porter ses actions sans contrecoups ? C’est ici que la justice prend tout son sens.

    « La diversité est une fait. L’inclusion est un choix. »

    ~ Timothy Clark

    L’inclusion est la conséquence de nos comportements et de nos pratiques qui visent à écouter, entrer en empathie, décider en prenant en considération les questionnements d’autrui. C’est en modifiant notre façon d’agir que nous incluons mieux. C’est dur, long, fastidieux mais c’est à mon avis nécessaire si nous ne voulons pas  reculer cinquante ans en arrière dans nos sociétés.

    Grâce à l’équité, nous mettons en œuvre des options pour que chacun·e puisse atteindre ses objectifs personnels, ses résultats, avec les mêmes chances.

    La diversité géographique, démographique, cognitive, neurologique, biologique et j’en passe est un véritable don que les entreprises doivent saisir. C’est par nos différences, nos points de vue divergents, nos singularités que naissent les plus grands progrès.

    La sécurité psychologique – d’après la classique définition donnée par Amy Edmonson – expose que nous ne devrions pas craindre de nous exprimer, quel que soit le propos, lorsque nous prenons un risque interpersonnel. Ce risque peut être pris uniquement si nous avons la garantie que ce propos sera protégé et encadré. Si une personne s’y oppose, son avis sera lui aussi entendu et considéré dans la mesure où il respecte lui aussi le cadre collégialement consenti. Nous pouvons nous exprimer car nous ressentons ce sentiment de justice.

    Ainsi, ce quatrième concept vient éclairer celui de la sécurité psychologique comme une évidence. Même s’il fait référence à la pop culture, je trouve cet acronyme – JEDI – à propos. Un individu garant de propager et promouvoir des idées fortes pour donner de la voix à ceux et celles qui n’osent pas encore se faire entendre.

    Et vous, pensez-vous incarner un·e JEDI ?