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  • Le poids des mots

    « Prudence devant les formules. Elles sont parfois comme le tonnerre : elles frappent mais n’éclairent pas. »

    ~ Albert Camus

    Lors d’une de mes conférences d’introduction à la sécurité psychologique, une participante est venue me partager en fin de session une de ses pensées : le terme « sécurité » fait peur, pourquoi ne pas le remplacer par quelque chose de plus rassurant comme « confort » ?

    Hum, le « confort psychologique » ? Je suis toujours ouvert à toutes sortes d’idées donc j’ai analysé sa remarque avec attention. Souvent, pour me forger une opinion, je la consolide avec des recherches. Ici le dictionnaire (le Larousse par exemple) semblait une bonne piste.

    Confort (n.m.) : Ensemble des commodités, des agréments qui produit le bien-être matériel ; bien-être en résultant.

    Sécurité (n.f.) : Situation dans laquelle quelqu’un, quelque chose n’est exposé à aucun danger, à aucun risque, en particulier d’agression physique, d’accidents, de vol, de détérioration.

    C’est bien l’idée première que j’en avais : le confort est une commodité, un luxe, quelque chose en plus pour améliorer, embellir ou agrémenter une situation. Le confort par sa nature est quelque chose d’optionnel.

    Par contre la sécurité semble vitale. Sans sécurité, il y a un risque d’être exposé à de futurs dégâts. Dans mes conférences, j’aborde le sujet du burn-out et la sécurité des individus est primordiale dans ces contextes – le confort est considéré dans un second temps.

    Ainsi, ces deux mots ne partagent en aucun cas la même finalité et les intervertir serait une erreur à mon sens.

    Pourquoi est-ce important ?

    Quel était le but de cette remarque ? Que craignait cette participante qui – je le voyais bien – était de bonne foi et souhaitait expérimenter les pistes que je venais de présenter ?

    Cette réponse, je l’avais depuis quelques années déjà plus ou moins découverte. L’être humain a peur de ce qu’il ne connait pas. La sécurité psychologique est encore un domaine jeune, peu connu en France, et le promouvoir peut s’apparenter à se jeter dans le vide en espérant que quelq’un ait bien accroché un parachute dans votre dos.

    Le confort adoucit, nuance et arrondit les angles de l’adjectif qui le suit. En substituant le terme « sécurité », on tente d’atténuer l’impact que le terme « psychologique » assène aux auditeur·ice·s.

    C’est l’alliance des deux qui effraie : la sécurité rimant avec le danger ; la psychologie avec la folie ou la manipulation. Dans un contexte d’insécurité psychologique serait-il possible de manipuler quelqu’un à l’extrême, jusqu’au point de non-retour ? La perspective est vertigineuse et effraie.

    Être ouvert·e d’esprit

    Ce n’est pas parce qu’un concept vous fait peur qu’il faut le renommer pour qu’il disparaisse. C’est aussi contre-productif que de l’ignorer. Au contraire il faut l’étudier pour en comprendre ses contours.

    Selon la définition d’Amy Edmonson, la sécurité psychologique vise à établir un environnement sain où chaque individu peut partager au reste du groupe ses questions, ses doutes, ses craintes, ses erreurs, sans que cela ne lui porte préjudice, blâme ou humiliation. C’est aussi simple que cela à définir.

    Nous sommes ici tou·te·s acteur·ice·s. Que nous soyons employé·e, chef·fe de projet ou d’entreprise, coach, … Chaque personne peut jouer un rôle et agir au quotidien pour une meilleure sécurité psychologique.

    Si par hasard vous ne faites pas encore partie de ces acteur·ice·s, renseignez-vous sur les actions et les intentions de ces personnes. Ce domaine subtil est difficile à comprendre au premier abord et souvent j’ai était confronté à des méprises : sur mes intentions, sur la nature de mes interventions voire sur ma posture. Une courte et franche discussion lève le voile sur cette démarche en un clin d’oeil.

    Le cercle vertueux

    C’est en diffusant au plus large public possible ses intentions et ses impacts positifs que la sécurité psychologique devient un pilier évident des discussions entre salarié·e·s. Devenant un véritable sujet, les mentalités évoluent et nos comportements se modifient. Le point de vue systémique de nos comportements influence par ricochet la culture d’entreprise. C’est tout l’enjeu de la sécurité psychologique : faire partie des préoccupations et de la culture d’une entreprise.

    Quel intérêt me demandez-vous ? Pourquoi vouloir à tout prix faire progresser la culture d’entreprise ? Parce que le monde est en perpétuel changement, que des prises de position peuvent évoluer, que des comportements ne sont plus tolérés maintenant. Dans dix ans, nous aurons le même constat par rapport à nos motivations et opinions actuelles. Il faut donc constamment se remettre en question.

    Mais vers quel but ? Si la culture change, nous espérons qu’elle évolue vers une dimension plus progressiste et non vers un rétropédalage antique. Bien que le but d’une entreprise ne soit pas la recherche du bonheur, elle doit permettre à ses salarié·e·s de s’épanouir comme iels l’entendent, sans contraintes, afin d’accomplir leurs objectifs personnels et professionnels.

    Ainsi, en commençant par choisir le bon vocabulaire, l’expliquer et l’accompagner par l’exemplarité,  nous bâtissons les fondations de la sécurité psychologique et donc de la libération de la parole.

    Les mots appellent les mots.