Étiquette : sécurité psychologique

  • Seul·e contre tous en réunion ? Comment faites-vous pour ne pas vous taire ?

    Seul·e contre tous en réunion ? Comment faites-vous pour ne pas vous taire ?

    Je raconte d’abord une scène familière : en réunion, un avis s’impose rapidement. La plupart opine, quelques voix se taisent. Vous prenez la parole pour donner une autre lecture — et êtes aussitôt ramené·e sur des détails annexes : « ça ne marche pas comme ça chez nous », « tu n’as pas compris », « personne ne va suivre ». Les voix dissidentes se replient. Le débat n’a pas eu lieu. Vous repartez avec la sensation d’avoir été isolé·e, mais aussi d’avoir semé une graine : quelqu’un·e a osé. C’est précisément cette graine qu’il faut cultiver — sans forcer la vulnérabilité, sans jouer au sauveur.

    Pourquoi la sécurité psychologique ne se décrète pas


    La sécurité psychologique, telle que définie par Amy Edmondson dans Fearless Organizations, est « la croyance que chaque personne peut partager une crainte, un doute, une question ou une erreur, sans craindre de reproche, de réprimande ou d’humiliation de la part de son équipe. » Ce n’est pas un label que l’on colle sur une porte. Poser une boîte à idées, dire « ma porte est ouverte » ou organiser un atelier ponctuel ne suffit pas : ces gestes sans suite peuvent même devenir coercitifs s’ils servent de prétexte pour exiger de la parole ou de la vulnérabilité (voir aussi dans les sources plus bas). La culture d’entreprise — ses normes, ses rites, ses rétributions formelles et informelles — façonne ce qui est acceptable. Tant que la culture ne change pas, les pratiques isolées resteront cosmétiques.

    Raconter pour comprendre

    La dynamique qui ferme le débat. Dans l’exemple ci-dessus, plusieurs mécanismes se combinent : l’autorité de l’avis initial, l’absence d’espace pour articuler la divergence, la disqualification rapide par des commentaires vagues et le manque d’appui explicite de la part de collègues qui pourraient prendre la défense du point minoritaire. Ces mécanismes produisent de l’autocensure. Forcer la vulnérabilité aggrave le problème : demander à quelqu’un·e « d’être ouvert·e » sans sécurité réelle revient à l’obliger à se mettre en danger (cf. PsychSafety, «Forced Vulnerability»). On ne change pas une culture en criant « parlez » — on la transforme en modifiant les règles du jeu, petites interactions après petites interactions.

    Changer sa posture : ce que peuvent tenter les personnes qui veulent faire la différence


    Revoir sa posture n’est pas une action spectaculaire, c’est un ensemble d’habitudes relationnelles concrètes. Voici quelques pistes narratives — actions modestes mais efficaces — que vous pouvez tester et adapter selon votre contexte :

    1. Normaliser les doutes par la forme, pas par l’injonction. Plutôt que « dites-moi vos problèmes », commencer les réunions en partageant soi-même un petit doute actionnable : « j’ai une réserve sur X, j’aimerais qu’on la teste ». L’exemple ouvre sans exiger.
    2. Séparer l’objet du jugement. Quand une idée est contredite par « ça ne marche pas chez nous », invitez à expliciter : « Peux-tu dire précisément quel obstacle tu vois ? » Cela force la conversation vers des faits et non des certitudes.
    3. Créer un droit de reprise pour la parole minoritaire. Après une objection, protéger la possibilité pour la personne d’expliciter sa proposition pendant 2–3 minutes sans interruption. Si la culture ne protège pas cela, demandez explicitement ce temps — et nommez-le.
    4. Développer la compétence du feedback. Enseigner et pratiquer des cadres simples : observation → effet → demande (ex. « J’ai observé X, ça provoque Y, pourrais-tu… ? »). La qualité du feedback est un levier direct de performance (voir PsychSafety, «Feedback in the Workplace»).
    5. Prévoir des petits pas. Autoriser les contributions anonymes ou en binôme pour ceux et celles qui hésitent, puis offrir des opportunités de parole graduelles. Le consentement progressif réduit l’agression ressentie par la « mise à nu » forcée.

    Ce que la collectivité (et les leaders) peut faire


    La responsabilité n’est pas que individuelle. Les leaders, les managers et les collectifs doivent rendre visible le changement de règles : valoriser publiquement les prises de parole minoritaires, analyser les décisions non pas comme des preuves d’erreur personnelle mais comme des opportunités d’apprentissage, et intégrer la sécurité psychologique dans les rituels — revues de projet, rétrospectives, recrutements, évaluations. La transformation culturelle implique d’aligner incitations et comportements : si l’entreprise récompense uniquement l’uniformité, la parole restera rare.

    Intégrer JEDI et l’anonymisation


    Penser la sécurité psychologique sans JEDI, c’est rater la moitié du chantier. Justice, Équité, Diversité et Inclusion impliquent de reconnaître que certaines voix sont structurellement désavantagées. Anonymisez les témoignages, questionnez les biais (qui parle, qui est écouté·e), et adaptez les formats pour inclure des modalités de parole variées. Invitez à des retours sur ce que vous mettez en place et ajustez-les: la co-conception des règles renforce l’adhésion.

    Oser encore et autrement


    Selon Amy Edmondson : « plus on parle, plus on a l’habitude de parler de sujets difficiles. Il faut donc faire ce premier pas d’oser parler. » Mais ce premier pas n’est jamais unilatéral : il s’inscrit dans un paysage culturel. Ne confondez pas posture et transformation. Changez votre posture, proposez des règles, entraînez-vous au feedback, protégez les voix minoritaires, et souvenez-vous que la vulnérabilité ne se décrète pas — elle se mérite, se cultive et se protège.

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    Sources et références : Amy Edmondson, Fearless Organizations ; Raconteur, “Forcing staff to speak up won’t fix your workplace culture” ; PsychSafety (articles «Forced Vulnerability» et «Feedback in the Workplace»).

  • L’autonomie au travail : libérer la créativité et la confiance

    L’autonomie au travail : libérer la créativité et la confiance

    Et vous, comment allez-vous rendre autonome vos équipes ou vos collègues ?

    Pourquoi l’autonomie est essentielle

    Dans le monde professionnel actuel, l’autonomie au travail n’est plus un simple atout : elle est une condition nécessaire à l’innovation, à la motivation et à la sécurité psychologique des équipes. Trop souvent, managers et dirigeants confondent auto-organisation et auto-gestion, pensant que déléguer un objectif suffit à créer de l’autonomie. Pourtant, cette distinction est fondamentale.

    Comme le souligne Johann Chapoutot dans Libres d’Obéir, l’auto-organisation consiste simplement à fixer un objectif et à demander au groupe de l’atteindre coûte que coûte. Cela déplace la responsabilité : la réussite ou l’échec dépend désormais du groupe et non du commanditaire. Cette forme d’autonomie superficielle peut engendrer de la pression, un stress accru et des comportements toxiques, car les membres cherchent à atteindre l’objectif à tout prix, parfois en enfreignant la morale.

    À l’inverse, l’autonomie réelle repose sur un équilibre subtil entre confiance, cadre clair et sécurité psychologique. Cette dernière se définit comme la croyance de ne pas être puni si l’on exprime un doute, une crainte ou une erreur lors d’un échange interpersonnel. Sans cette sécurité, les individus hésitent à partager leurs idées, à prendre des initiatives ou à expérimenter de nouvelles approches. La sécurité psychologique est donc le socle sur lequel l’autonomie peut véritablement s’exprimer.

    Enfin, l’autonomie implique la possibilité d’échouer. Amy Edmondson, dans The Right Kind of Wrong, distingue plusieurs types d’échecs : ceux évitables, ceux complexes liés à des événements anodins aux conséquences négatives, et ceux dits « intelligents », qui mènent à de nouvelles découvertes et à l’innovation. Permettre aux équipes d’échouer sans réprimande est donc une condition sine qua non pour que l’autonomie génère de la créativité et de la valeur ajoutée.

    Les conditions de l’autonomie

    Mais attention, autonomie ne veut pas dire abandon : elle demande un cadre clair et une culture de confiance. Pour qu’une équipe ou un·e collaborateur·rice soit autonome, plusieurs conditions doivent être réunies.

    L’autonomie ne signifie pas l’absence de règles ou de structure. Au contraire, un cadre précis permet de canaliser l’énergie et les initiatives. Les objectifs doivent être compris et co-construit par tous, la manière d’y parvenir est ensuite laissée à l’initiative des individus.

    Accorder la confiance aux équipes ne suffit pas. Les manager·es doivent adopter une posture basse, qui consiste à accompagner plutôt qu’à contrôler, à poser des questions plutôt qu’à imposer des solutions. Cette posture favorise l’initiative, stimule la créativité et encourage la collaboration horizontale. Elle transforme l’espace de travail en un lieu où chacun·e peut proposer, tester et apprendre.

    Être autonome nécessite un environnement où il est possible de se tromper sans crainte de réprimande. La sécurité psychologique est ici centrale : elle permet à chacun·e d’être authentique et vulnérable, de partager ses idées même si elles semblent risquées ou inhabituelles. Cela crée un climat où l’innovation devient naturelle et où l’apprentissage collectif se développe.

    L’autonomie est renforcée lorsque les initiatives sont visibles et valorisées. Il ne s’agit pas seulement de tolérer l’erreur, mais de célébrer les apprentissages issus de l’expérimentation. Ce retour positif nourrit la confiance mutuelle et incite à poursuivre l’exploration de nouvelles idées.

    Exemple et leçons pratiques

    Un exemple emblématique de l’autonomie fructueuse est l’invention des Post-it. Les équipes de recherche souhaitaient créer une colle ultra forte. Une erreur de formulation donna une colle peu collante, qui semblait inutile. Plutôt que de rejeter cette découverte, les équipes eurent l’idée de l’appliquer sur des petits morceaux de papier repositionnables, donnant naissance aux célèbres Post-it. Cette innovation est directement liée à la liberté de tester, d’expérimenter et de transformer une erreur en opportunité.

    L’autonomie favorise l’innovation : lorsque les individus sont libres de tester et de proposer, des découvertes inattendues émergent.

    Comment rendre vos équipes autonomes ?

    • Construisez ensemble les objectifs et laissez la latitude sur les moyens.
    • Créez un climat de sécurité psychologique en adoptant une posture basse et en valorisant les initiatives.
    • Autorisez l’échec intelligent comme source d’apprentissage et d’innovation.
    • Encouragez la vulnérabilité et l’authenticité pour renforcer la sécurité psychologique.
    • Célébrez les succès et apprentissages collectifs pour renforcer la culture de l’autonomie.

    Favoriser l’autonomie, c’est permettre à chacun·e d’innover, d’apprendre de ses erreurs et de contribuer pleinement à la réussite collective.

    Si cela résonne en vous et que vous voudriez faire le point sur votre carrière, prenons un rdv de 30 minutes pour en parler.